Les Assises de l’Édition Indépendante : une chaîne du livre à réinventer ?
Les 20 et 21 février derniers, les professionnels du livre se sont donné rendez-vous au Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine (TNBA) pour les Assises de l’édition indépendante.
L’objectif était noble: discuter de l’avenir d’un secteur en souffrance et, soyons optimistes, trouver des solutions.
Mais, entre constats alarmants et échanges d’expériences, nous sommes surtout repartis avec beaucoup de questions sans réponse.

Le contexte
L’édition indépendante s’essouffle. Entre la concentration du secteur, les difficultés de diffusion et la rentabilité en berne, l’ambiance n’était pas à la légèreté.
Une étude présentée par le cabinet Axiales a déroulé un inventaire à la Prévert, version sinistre :
- Un chiffre d’affaires médian de 49 000 euros pour les maisons d’édition, ce qui laisse peu de marge pour souffler.
- 39 % des éditeurs dont le CA est inférieur à 25 000 euros doivent diversifier leurs activités pour survivre.
- jusqu’à 32 % des coûts d’une maison d’édition partent dans l’impression, la charge la plus lourde du budget.
- 56 % des maisons interrogées ont recours à des emprunts.
- La rentabilité moyenne plafonne entre 2 et 7 %.
En somme, l’édition indépendante vit sur un fil, suspendues aux subventions (67% des maisons reçoivent des aides publiques ou privées), aux stratégies de survie et à une bonne dose de passion. Mais l’amour du livre ne remplit pas les caisses.

De l’énergie, des idées…
Les tables rondes ont été riches en discussions. On a parlé de la difficulté d’exister en librairie, des séances de dédicaces refusées, de la réduction des avances aux auteurs. On a évoqué la nécessité de préserver la bibliodiversité et d’innover en matière de diffusion et de distribution.
Mais concrètement ? Peu de propositions ont été formulées. On aurait aimé voir des plans d’action collectifs, des engagements, des solutions pragmatiques. On a surtout constaté ce que l’on savait déjà : l’édition indépendante se bat avec des outils inadaptés et un modèle économique à repenser.
Un détail interpelle : certains maillons essentiels de la chaîne du livre étaient absents des débats. Parmi eux, les imprimeurs. Présents sur la mezzanine avec leurs stands, ils n’ont pourtant pas été conviés aux discussions. Dommage, quand on sait que l’impression représente près d’un tiers des coûts des éditeurs. Les solutions pour une impression moins chère et plus écologique auraient mérité un vrai débat.
Autre sujet brûlant à peine esquissé : l’autoédition. Souvent perçue comme un épouvantail par l’édition traditionnelle, elle est pourtant loin d’être une maladie honteuse. Mais elle a vu émerger des auteurs efficaces, organisés, qui savent vendre et capter un lectorat. Leur maîtrise des outils numériques, du marketing et de la distribution directe pourrait inspirer bien des éditeurs indépendants. Plutôt que de l’éviter, il serait peut-être temps d’analyser ce qui fonctionne chez les meilleurs auto-édités et de s’en inspirer.
Et maintenant, on fait quoi ?
Alors, où sont les pistes de sortie ? En vrac, voici quelques idées qui auraient mérité d’être explorées :
- Une autre vision de la diffusion/distribution, avec de nouveaux modèles économiques.
- Une approche repensée de l’impression, en concertation avec les imprimeurs pour réduire les coûts et l’empreinte écologique.
- Des modèles économiques alternatifs, comme la précommande, les abonnements ou les coopératives.
- Des outils numériques mieux adaptés, avec des logiciels libres et l’intégration de l’IA dans la chaîne éditoriale (IA en tant qu’assistant et non générative de contenus comme du texte ou de l’image), ne pas oublier Oplibris soutenu par la FEDEI.
- Une stratégie marketing numérique renforcée, pour contrer l’hégémonie des grands groupes et des algorithmes.
- Un travail sur l’attractivité du livre indépendant, notamment pour les jeunes face aux écrans et aux réseaux sociaux.
- Une meilleure prise en compte des pratiques de l’autoédition et des stratégies numériques qui permettent à certains auteurs de se passer des circuits classiques.
Le digital n’est pas l’ennemi du livre. Sans forcément court-circuiter les librairies, il peut devenir un allié précieux en permettant de toucher de nouveaux publics, d’optimiser les coûts et d’adapter les stratégies de promotion. Il est temps de l’intégrer pleinement à la réflexion, plutôt que de le voir comme une menace.
Le constat est clair : l’édition indépendante a besoin de se réinventer. Les constats, c’est bien. Mais l’action, c’est mieux. Comme l’ont souligné plusieurs intervenants, l’avenir du secteur repose aussi sur les jeunes éditeurs/éditrices, prêt(e)s à bousculer les modèles établis.
Alors, haut les cœurs ! L’édition indépendante a survécu jusqu’ici. Il est temps qu’elle trouve de nouvelles armes pour continuer à exister, autrement et durablement.
Et devinez quoi ? Chez Domouk on travaille depuis 2022 sur des solutions concrètes pour l’édition indépendante car nous avons qu’une envie :
accompagner la transformation de l’édition indépendante
commentaires
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Les Mots qui portent
Effectivement, on a essayé de s’adapter mais cela n’a pas donné les résultats escomptés. Et la situation a empiré (études 2023 vs. 2025). Alors maintenant il faut changer. Changer nos pratiques et repenser tout l’écosystème qui a été et est encore conçu pour les « grands ».
Osons des solutions innovantes et alternatives; des solutions à notre hauteur qui collent à ce que nous sommes : indépendants. Nous ne pouvons pas être à la fois éditeur, distributeur, diffuseur et libraires. Nos structures ne le permettent pas et nous avons besoin de tout le monde, car le livre est un bien collectif.
Les Mots qui portent a choisi des partenaires qui partagent la même philosophie et la même volonté de repenser les fonctionnements traditionnels. Des libraires engagés pour la bibliodiversité, un distributeur travaillant avec de bonnes pratiques (pas de pilon, zéro retour, etc), d’autres fenêtres de visibilité (DOMOUK). Aussi nous cherchons à faire vivre le livre autrement, notamment en croisant les arts (théâtre, peinture, écriture). Maintenant il serait temps de repenser la répartition de la valeur dans la chaine du livre. Déjà nous avons remis les auteurs au coeur de notre dispositif avec des droits d’auteur qui font sens.
Reste pour l’éditeur a trouvé un modèle économique qui le fasse vivre… Le paradis n’existe pas.. Sinon nous y serions tous !!
Vincent Joubert
Merci pour ce retours intéressant.
Du cœur à l’ouvrage
Article très pertinent. Merci en particulier d’avoir évoqué les logiciels libres.
Choisir les logiciels libres, c’est à la fois un enjeu économique (gratuité) et éthique : le refus de soumettre son travail, voire ses données, à des entreprises privées, généralement américaines, aux pratiques commerciales de plus en plus douteuses : abonnements, droits concédés sur les données…
Se libérer commence par le système d’exploitation : un système GNU-Linux plutôt que Microsoft Windows ou Mac OS X. C’est aussi un choix écologique. Les systèmes libres permettent de lutter dans une certaine mesure contre l’obsolescence programmée : même les versions récentes peuvent continuer à tourner sur des machines assez anciennes. Vient bien sûr toujours un moment où il faut changer d’ordinateur, mais on peut raisonnablement espérer garder son matériel 10 ou 15 ans tout en bénéficiant des logiciels les plus récents.
Certes, certains programmes imposent de continuer à utiliser Windows ou Mac OS. Mais ces programmes s’imposent-ils ? À chacun de voir, bien sûr, en fonction des besoins liés à son activité. Dans bien des cas, toutefois, ces besoins sont couverts par des logiciels libres.
Bureautique : LibreOffice (et son indispensable extension pour Writer, Grammalecte)
Traitement d’image : GIMP, Krita, Inkscape, Imagemagick…
PAO : Scribus, LaTeX, ConTeXt, LyX…
EPUB : Pandoc, Calibre, Sigil…
Vincent Joubert
merci pour ces précisions.
J’ai créé un sujet de discussion sur le forum pour partager ces informations de logiciels libres et en discuter.