Christophe Loupy: un auteur au service de l’édition jeunesse.
Christophe Loupy est un auteur et scénariste français spécialisé dans la littérature jeunesse et l’écriture de scénarios. En plus de son travail de création, il s’est également imposé comme un guide pour les auteurs en devenir grâce à son ouvrage Le Guide de l’Édition Jeunesse, référence incontournable depuis 2002. Ce livre offre des conseils précieux pour structurer un récit, créer des personnages marquants, manier l’humour et comprendre les rouages du monde de l’édition. De la négociation des droits d’auteur à la présentation d’un projet aux éditeurs, il accompagne les écrivains et illustrateurs dans leur parcours, contribuant ainsi à la réussite de nombreux talents.
Christophe Loupy revient pour Le Mouk sur son parcours, ses inspirations et son regard sur l’évolution du monde de l’édition et de la création littéraire jeunesse.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis auteur et instit de maternelle (à la retraite depuis 2020). Ces deux métiers étaient, dès mon plus jeune âge, une vocation qui tourne autour d’un mot : Transmettre.
Transmettre des savoirs, des connaissances, pour mon métier d’enseignant, et transmettre des histoires, du rêve, pour celui d’auteur. Et dès que j’ai réussi à m’installer et à être reconnu internationalement dans le milieu de l’édition jeunesse, j’ai voulu, là aussi, transmettre et partager mes connaissances.
En 2002, j’ai créé “Le Guide de l’Édition Jeunesse”, un ouvrage où j’ai mis tous les conseils que j’aurais aimé avoir quand j’ai débuté. J’y ai ajouté un annuaire professionnel de plus de 1200 entrées et chaque année, j’y mentionne les infos qui circulent entre pros comme les annonces des éditeurs, afin de connaître ce qu’ils recherchent en textes ou en images pour alimenter leurs nouvelles collections.
Depuis plus de 20 ans, j’aide et je conseille gratuitement mes lecteurs (Note : le Guide peut être reçu gratuitement). En fait, je passe autant de temps au téléphone et à relire les manuscrits qu’écrire pour moi.

Pour un auteur débutant, quels critères devraient guider le choix entre auto-édition et recherche d’un éditeur traditionnel ?
Je pense que la première recherche devrait être celle de trouver un éditeur parce qu’être édité, c’est la voie royale pour travailler tranquillement sur ses projets.
Dès qu’on s’auto-édite, on entre dans l’entreprenariat, on reçoit des commandes, on les traite, on les envoie, on tient des livres de comptes, etc. Je dirais que l’auto-édition, c’est bien lorsque notre manuscrit a été refusé partout et que l’on a la certitude qu’il peut intéresser du monde.
Mais il faut aussi parfois être humble. Moi, par exemple, bien que certains éditeurs me commandent des textes, ceux que je crée ne trouvent pas toujours preneur et finissent leur vie sur mon disque dur.

Vous avez une grande expérience des collaborations avec des éditeurs jeunesse. Quels sont les éléments essentiels que les maisons d’édition recherchent dans un manuscrit jeunesse ?
Le critère essentiel, c’est une histoire bien structurée autour d’une problématique forte.
Si vous partez d’une idée forte, d’un enjeu captivant, et que la dynamique de votre récit retient l’attention du lecteur, chapitre après chapitre, lui donne envie de tourner la page du début à la fin, vous avez fait 80 % du travail.
Les 20 % restants reposent sur les goûts et les besoins de l’éditeur au moment T. D’où l’importance de se tenir au courant de ce qu’ils recherchent.
L’édition jeunesse repose souvent sur une forte interaction entre texte et illustrations. Quels conseils donneriez-vous aux auteurs qui souhaitent travailler avec un illustrateur ou développer un album illustré ?
Tout d’abord, ce qu’il faut savoir, c’est qu’un texte d’album sans illustration peut très bien être pris par un éditeur. Beaucoup d’entre eux préfèrent, d’ailleurs, recevoir un texte sans image parce que cela leur donne la liberté de choisir le style d’illustration qu’ils vont mettre dessus.
Si votre texte plaît, il sera pris, avec ou sans illustrations, soyez-en sûr. J’ai déjà vu un éditeur qui, recevant un projet de collaboration auteur-illustrateur, a dit « Je prends le texte, mais pas les illustrations ».
Cette situation est très embarrassante pour l’auteur et l’illustrateur. Si vous démarrez une collaboration comme celle-là, il faut dès le départ parler avec votre binôme pour vous mettre d’accord sur ce que vous déciderez si cette situation arrive.

Quelles sont, selon vous, les erreurs les plus fréquentes que commettent les auteurs débutants dans leur démarche pour se faire éditer ou s’auto-éditer ? Comment les éviter ?
Comme je l’ai dit tout à l’heure, une histoire mal structurée ou un récit sans enjeu qui ne captive pas, est fatal. Ou laisser des fautes d’orthographe dans son texte, par exemple. Faites relire votre texte par quelqu’un de sûr et vous-même relisez-le au moins 4 ou 5 fois.
L’adaptation du degré de compréhension du texte en fonction du lectorat est également important. On n’écrit pas pour les 6 ans de la même façon que pour les 10-12 (vocabulaire, calibrage du texte, longueur et tournure de phrase, traitement du sujet, etc).
En ce qui concerne l’auto-édition, on retrouve tous ces paramètres, mais en plus, on doit y ajouter le soin apporté à la production du produit (mise en page, couverture, etc).
Quelles techniques recommandez-vous pour créer des personnages mémorables et attachants dans la littérature jeunesse ?
Tout d’abord, l’auteur doit être un fin observateur du monde, des gens, des situations. Cela permet de donner de la véracité au récit et aux personnages que l’on met en scène.
Ensuite, il faut veiller à les sublimer en faisant d’eux des personnages imprévisibles, surprenants.
Travaillez leur aspect physique et psychologique. Inventez-leur un vécu (traumatismes, conflits, apprentissages, influences diverses…) qui puisse servir de levier dans la dynamique de votre histoire. Sachez également associer des personnages pour créer encore plus d’interactions surprenantes (des personnages que tout oppose, ou complémentaires, ou en conflit…).
Enfin, soignez les personnages secondaires car ils ont des rôles à jouer dans l’évolution du récit (mentor, censeur, faire-valoir, méchant…). Et n’oubliez pas, plus vous aurez une adversité puissante, plus votre héros en ressortira
grandi.
Au regard de votre large expérience d’auteur, quelles observations pouvez-
vous faire sur les changements éventuels des manières de travailler avec les
éditeurs ces dernières années ?
Je n’ai pas vu beaucoup de changements venant des éditeurs. Les changements viennent surtout du marché qui est de plus en plus concurrentiel. Il y a beaucoup plus de livres produits et, forcément, pas mal de choses moyennes, voire médiocres. Les modes sont également plus impactantes.
Certaines maisons d’édition préfèrent, par exemple, novéliser les épisodes de séries TV que créer des fictions originales, cela rapporte plus mais c’est dommage pour la création. Il ne faut pas hésiter à travailler avec des maisons d’édition plus modestes qui peuvent offrir une réelle relation d’auteur basée sur la création
et l’innovation.
Si vous aviez une baguette magique que changeriez-vous pour améliorer et développer l’édition indépendante en France ?
Il y a un paramètre fondamental qui, déjà, pourrait aider les éditeurs indépendants en France, ce serait de créer un tarif postal raisonnable pour les envois de livres. Celui qui avait été créé pour les envois de livres à l’étranger et ainsi faire rayonner la culture française dans le monde va être malheureusement abandonné dans quelques mois.
Hélas, je ne pense pas que l’édition indépendante puisse avoir un coup de pouce de ce côté-là. Si j’avais une baguette magique ? J’aimerais que tous les éditeurs indépendants se fédèrent autour d’une structure (Domouk ?) et montent une grande librairie en ligne uniquement dédiée à leurs livres (à suivre…).
Merci à Christophe Loupy de nous avoir partagé son expérience.
Posez-lui vos questions directement sur le forum afin de faciliter la discussion et de la partager avec tous.
Vous pouvez aussi retrouver ses livres sur sa boutique Domouk:
